« L’Art est une blessure devenue Lumière » Georges Braque

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mercredi 18 août 2010

(14) soliloque


Tu auras pour demeure un trou grand comme toi
Concédé par les vifs pour quelques décennies,
Et tes fils impatients délesteront ta croix
Plus vite que les vers ne t’auront dégarni ;

Tu laisseras ici tes joies et tes amours,
Tes rêves, tes succès, et ta fortune aussi,
Cet orgueil par lequel tu péchas chaque jour,
Et tu iras tout seul, nu, tas d’os, vers l’oubli ;



Sous quelques pelletées de terre très commune,
Dans ce sinistre asile où n’a pas cours l’argent,
Sans revoir ni soleils, ni ciels, ni clairs de lune,
Tu pourriras, hiver-automne-été-printemps ;

De fête en lunaison, un que tu n’attends pas,
Fustigeant les ingrats que tu chérissais tant,
Viendra poser des fleurs que tu ne verras pas
Ou confier ton âme aux psaumes d’un mendiant…

Les autres jaseront ! A tort et à travers !
Qu’importe qui tu fus, ils diront pis que pendre ;
Et ceux qui t’encensaient, en devenant sincères,
Te referont crever, rien que de les entendre ;

... Et puis ce sera tout - exit l’objet du drame -
Bientôt la pelleteuse aura tout chamboulé,
Et, parmi les gravats, tes os bringuebalés
Devront céder la place à un autre quidam…

 
Mais quand l’heure viendra, désenivrant enfin
Aux portes du néant les compulsions fébriles,
En refermant les yeux, tu chercheras en vain
L’essence du laurier dans tes moissons stériles ;

Et tu ne verras rien, face au miroir têtu,

- Que l’âpre déshonneur et le reflet amer
Du drame ignominieux où tu t’es tant complu,
Ô frère indifférent au malheur de tes frères !

- Que ces regards d’enfants où semblaient bruire en chœur

Tout l’Islam et Jésus, Hugo, Dickens, Goya,
Et qui, sans pain ni dieu pour apaiser leurs peurs,
Pourtant, n’auront pas su te faire ouvrir les bras ;

- Que les tâches souillant ton bagage inutile,
Que le spectre hideux du grand naufrage humain,
Et que l’opprobre écrit sur tous les fronts serviles
Dans l’ordre criminel des hommes inhumains ! 
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auteur : Camal  ELMILI HAMAYED


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