(06) rien qu'homme chez les loups

Oh ! Terres loin perdues de ma pénible errance,

Mon père qu’indigna le meilleur de ses fils,
Ma mère à qui l’amour ne fut qu’un long supplice,
Oh ! Frères sans mémoire effleurant ma souffrance, 

Qu’on taille l’habit blanc et l’ultime demeure
Pour cette âme troublée qui affligea les cœurs.

 

Ayant donné de soi, tel meurt debout, meurtri ;

Tel autre vainc, et vit vautré dans le bestiaire ;
S'il faut prendre ou donner, personne ne choisit,
Et il m’échut d’aimer comme à d’autres forfaire. 

Chaque ride à mon front, chaque rire à leurs bouches
Signe des deux destins l’opposition farouche.
 

Oui je t’entends, ma sœur, en ton soir incertain
Pour apaiser ton sein pleurer mon infortune ;
Mais, sans le don de soi la compassion n’est rien :
A tes yeux n’affleuraient que rancœurs importunes  

Vain l’espoir, longue l’attente, âpre le malheur !
Pas un geste n’obvia à l’insigne douleur.

Oh ! Vous que l’on m’envia, si longtemps mes amis,

J’ai exalté vos joies et adouci vos peines,
Puis j’ai vécu sans vous, aimant qui m’a trahi,
Sans que tout cet amour fît un lit à la haine. 

Votre impossible deuil est bien le deuil de moi
Et, Dieu ! Qu’il m’est cruel de dresser votre croix …
 

Oh ! Toi qui une nuit, un éclair, un brouillard,
Conquérante osas nue venir à mon tourment,
Tu ouvris en Schéol* mes fenêtres aux vents
Et mon mal s’assoupit dans tes bras de hasard.  

Béni soit ton beau nom et maudit mon calvaire !
… Jusqu’au seuil de ta porte, oui, je fus sincère.
 

Ni chasseur ni gibier, rien qu’homme chez les loups,

Moins rêveur qu’innocent et lâche sous les coups,
Sur mes airs d’oiseleur j’ai traversé la vie,
Occultant la laideur et en payant le prix. 

Toi qui vas m’enterrer, fais graver sur ma tombe :
« Il vécut d’illusions et d’elles il succombe. »
 

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* Schéol : dans la Bible, lieu souterrain où les âmes des défunts attendent le Sauveur.

auteur : Camal ELMILI HAMAYED

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